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Pourquoi le prix du pétrole ne parvient-il pas à interrompre sa chute ?

Évolutions et tendances des prix moyens du fioul

Publié le 15/10/2014 à 00h00

Mardi 7 octobre 2014, le baril de brut clôturait à son plus bas niveau à New-York et à Londres, respectivement depuis 2013 et 2012. Il oscillait vendredi 10 octobre, entre 85 et 90 dollars, et ce de manière généralisée sur toutes les références du pétrole (WTI à New-York, et Brent à Londres). Continuant sa chute, le prix du baril tombait, lundi 13 octobre, sous la barre des 85 dollars, alors que la rentabilité du brut est fondée à 100 dollars (le niveau idéal selon les membres de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole)). Hier, mardi 14 octobre, le baril de brut chutait à New-York à 81,84 dollars, perdant 3,90 dollars par rapport à la veille, soit son plus bas niveau depuis le 28 juin 2012. À Londres, le baril de Brent plongeait sous la barre des 84 dollars, soit à des niveaux plus vus depuis novembre 2010. Ainsi, depuis la mi-juin, les prix ont dégringolé de près de 24% à New York, tandis qu'à Londres ils ont perdu près de 27% sur cette période. Cette chute impacte fortement le prix du fioul qui ne cesse de baisser également. À ce titre, fioulmarket s’est intéressé aux raisons principales de la baisse des prix. 

Comment expliquer une telle baisse que ni le marché, ni les spécialistes n’ont été en mesure de prévoir ? 

Cette baisse appelle en effet des commentaires de toute part, car elle semble être structurelle pour le marché du pétrole. Trois facteurs principaux l’expliquent :

  • L’abondance de l’offre sur les marchés ;
  • La faiblesse de la demande;
  • La baisse de la parité eurodollar.

Prix du pétrole en forte baisse

Une offre excédentaire contre une demande en berne

Des niveaux de réserve record

Le marché du pétrole connaît actuellement et particulièrement aux États-Unis, des niveaux de réserve record. Il porte des excédents, d’environ 1 million de baril jour. Il n’y a, en effet, jamais eu autant de réserves de pétrole sur terre, et les spécialistes parlent de « choc d’offre ». 

Dans un premier temps, on observe une réallocation des flux d’importation et d’exportation, dont l’origine réside principalement dans la production spectaculaire des pétroles de schiste américains. Les États-Unis sont même devenus le mois dernier, le premier producteur mondial de pétrole devant l’Arabie Saoudite. Il va falloir gérer cette augmentation de production nord américaine qui s’inscrit dans le temps, et qui donc sur le long terme n’est pas conjoncturelle, mais bien structurelle. Mercredi 8 octobre, le département américain de l’Énergie diffusait un rapport  faisant état des hausses très importantes des stocks de brut aux États-Unis, ainsi que d’une nette progression des importations (+6% sur une semaine).

Par ailleurs, l’évolution de la situation de l’offre dépend également de l’acteur majeur qu’est l’Arabie Saoudite, premier producteur mondial de pétrole jusqu’au mois dernier. Un choix est attendu de sa part, entre sa volonté de stabiliser le prix à un certain niveau à court terme liée à ses besoins internes (son budget ne s’équilibre qu’autour de 90 dollars le baril), et un choix plus stratégique à moyen terme. Si l’Arabie Saoudite décide de baisser sa production, cela revient à donner des parts de marché à ses concurrents directs, tout en garantissant un prix auquel c’est profitable.

Pour l’Opep, c’est à l’Arabie Saoudite de faire un effort de réduction de production, car c’est elle qui a compensé les baisses de production forcées de la Libye notamment, de l’Iran à cause de l’embargo, et de l’Irak. Elle doit rendre, et ce à court terme, les parts de marché acquises de façon indue. Face à la chute de prix du baril, l’Opep qui produit 1/3 du pétrole mondial, est totalement divisée et ne semble pas décidée à réduire sa production. À l’inverse, elle veut continuer à défendre ses parts de marché en augmentant sa production, plutôt que de lutter contre la chute des prix. De plus, certains acteurs, comme la Lybie, ont fait leur retour sur le marché du pétrole, ce qui continue de gonfler l’offre. La guerre qui fait rage sur le terrain entre sunnites et chiites, se reflète dans une guerre des prix menée au sein de l’Opep entre les pays du golfe d’un côté, et l’Iran de l’autre. Notez que l’Arabie Saoudite a baissé unilatéralement ses prix, un événement qui occasionna l’effet de surprise escompté. Tant que l’Opep ne sera pas unie face à l’explosion du pétrole de schiste américain, les cours continueront de chuter.

Hors, une abondance de l’offre est généralement le signe d’un ralentissement de la demande en énergie, ce qui est le cas. En effet, le marché subit, en parallèle, une croissance atone.

Une baisse de la demande

Depuis l’été, les banques et le FMI (Fonds monétaire international) ont revu leurs perspectives de croissance mondiales à la baisse, et en particulier celles de la zone euro. Ainsi, à l’instar des marchés action, celui des matières premières s’est replié sur l’idée que 2015 ne connaitrait pas la reprise de la demande mondiale en brut. Du côté européen, la BCE ne cesse d’enregistrer des indicateurs décevants concernant la reprise économique de la première puissance de la zone, l’Allemagne (production de son industrie en baisse de 4% sur un mois en août).

Mardi, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la baisse ses prévisions pour la demande mondiale. Son rapport mensuel d’octobre mise à présent sur une hausse de 700.000 barils par jour en 2014, soit 200.000 barils de moins que l’estimation précédente. Pour 2015, la consommation est également diminuée de 93,8 millions de barils jour à 93,5. Des facteurs qui découragent les investisseurs, et entraînent la chute du prix du baril dans une conjoncture d’offre excédentaire et de baisse de l’euro.

Le facteur monétaire : la baisse du taux de change eurodollar

Enfin, la dépréciation de l'euro vient également étayer les explications de baisse du prix du pétrole. Le marché reste empreint de craintes sur la santé de la zone euro, tandis que le billet vert enregistre douze semaines consécutives de hausse. Il a en effet profité de l’anticipation d’un resserrement de la politique très accommodante de la Fed (Réserve fédérale américaine), au vu de l’amélioration des indicateurs sur l’économie américaine. La monnaie unique, quant à elle, s’est repliée cette semaine encore, après la publication du nouvel indicateur décevant pour l’industrie allemande. Les inquiétudes concernant la santé de la première économie de la région ont donc été renforcées  à juste titre. La baisse du baril vient compenser l’évolution défavorable du taux de change euro dollar.

Très concrètement, du fait de ces données négatives et des récentes mesures prises par la BCE (pour soutenir le crédit et prévenir la déflation), l’euro baisse. En conséquence, la baisse du baril vient compenser la dépréciation du taux de change eurodollar. Il s’agit de le rendre plus accessible aux investisseurs munis de la devise européenne. De la même manière, la zone dollar avait davantage souffert, auparavant, d'un dollar faible et d'un prix du baril élevé. Le cours du pétrole a moins baissé dans les autres monnaies, parce que compensé par la hausse du dollar. La zone dollar profite donc d’avantage de la baisse du brent.

Les règles du jeu évoluent sur le marché du pétrole

Il s’agit là d’une situation totalement paradoxale, et qui n’obéit pas aux règles observées jusqu’à présent sur le marché du brut. Le Moyen-Orient subit une crise profonde qui inquiétait les investisseurs, mais qui finalement ne perturbe pas le marché. Il ne s’agit pas d’un mouvement de marché, d’une position de trading ou d’une simple conséquence de la hausse du dollar. C’est le monde de l’énergie qui est en mutation, et la fondation géopolitique des 100 dernières années qui explose. Le pétrole est en train de perdre son rôle de matière première centrale pour l’économie mondiale.

Enfin, notons que de nouveaux flux s’installent. De moins en moins de pétrole produit en Afrique s’exporte sur la zone nord américaine faute de demande. Il cherche de nouveaux débouchés en Asie. Le pétrole du Moyen-Orient subit la même trajectoire. À l’aune d’une nouvelle source de production nord américaine, c’est toute la logistique du marché du pétrole qui est revisitée.