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Baisse du prix du pétrole : quelles causes, et comment relancer le marché ?

Évolutions et tendances des prix moyens du fioul

Publié le 11/04/2016 à 00h00

Depuis le 2nd semestre 2014, les cours du pétrole connaissent une baisse à la fois brutale et relativement continue. Cette crise pétrolière, généralisée à l’ensemble du monde, touche à la fois les consommateurs, les pays exportateurs d’or noir et les compagnies pétrolières. Quelles sont les causes d’un tel marasme ? Pourquoi parle-t-on de contre-choc pétrolier ? Quels dommages cette crise pétrolière a-t-elle infligé aux pays ? Comment redresser les cours et optimiser la production pétrolière ?

Cours du pétrole : comment est-il fixé ?

Le cours du pétrole constitue la base du marché pétrolier dans le monde. Il est déterminé par un ensemble de prix définis par les acteurs du marché pétrolier, prenant en compte sa valeur propre et sa valeur spéculée.

En fonction de leur qualité, les pétroles sont classés par rapport à des pétroles de référence. Le Brent de la Mer du Nord et le West Texas Intermediate américain constituent les deux principaux repères utilisés, les prix d’environ 50 % de la production mondiale étant alignés sur ces deux références. Une prime ou une décote est associée à chaque pétrole, afin de positionner sa qualité par rapport à sa référence.

En 2013, une quarantaine d’acteurs était chargée de fixer les cours du pétrole. On peut citer :

  • les groupes pétro-gaziers ;
  • les représentants de l’Opep (organisation des pays exportateurs de pétrole) ;
  • les négociants en hydrocarbures européens et américains ;
  • les banques spécialisées dans le négoce de pétrole.

Plusieurs critères viennent influencer les cours du pétrole, en plus de la fluctuation de l’offre et de la demande. On distingue notamment :

  • les contextes juridiques nationaux voire régionaux ;
  • les découvertes et démentis à propos de nouveaux gisements ;
  • la situation des pays exportateurs (tensions, conflits, crises politiques...) ;
  • l’augmentation des coûts d’investissement pour puiser du pétrole, dans un contexte d’épuisement des ressources accessibles facilement ;
  • l’abondance et la diversité de l’offre en énergies alternatives ;
  • la qualité et la provenance du pétrole.

 production mondiale de pétrole

La chute du prix du baril ces dernières années

Les prix du baril de pétrole n’ont cessé de s’effondrer depuis la seconde moitié de l’année 2014, pour atteindre des prix inégalés depuis 2009. Le baril de pétrole brut WTI s’échangeait en effet au prix record de 33,20 € en janvier 2016, tandis que le baril de pétrole Brent se hissait péniblement à 35,83 €.

 

 chute des prix du baril de pétrole

Les éléments qui justifient cette baisse du prix du pétrole sont nombreux. Dans un premier temps, l’offre surabondante ne correspond plus aux besoins internationaux ; les stocks se remplissent et s’écoulent plus lentement qu’escomptés. En parallèle, les médiocres performances économiques de la Chine et de l’Europe ces derniers mois entraînent une stagnation de la demande.

L’Arabie saoudite, la Russie ou encore l’Irak, qui comptent parmi les plus gros pays exportateurs de pétrole, ont longtemps campé sur leurs positions et refusé de baisser leur volumes de pompage, malgré les pressions exercées par les autres pays, renforçant ainsi la crise pétrolière en suralimentant les stocks.

En parallèle, la production de pétrole américain a fortement augmenté aux cours des derniers mois, en raison de l’exploitation du pétrole de schiste. De ce fait, la part de la consommation américaine de pétrole couverte par les importations a diminué, passant de 60 % en 2005 à 22 % fin 2015.

Autre facteur justifiant l’effondrement des cours : l’exploitation de nouveaux gisements découverts ces dix dernières années au Moyen-Orient, en Caspienne ou encore en Afrique de l’Ouest. Autant de nouvelles sources qui ont irrémédiablement augmenté les opérations de pompage et gonflé les stocks de pétrole.

Comme expliqué, le ralentissement de l’économie à échelle mondiale explique également, indirectement, la baisse du prix du pétrole. Une économie moins dynamique engendre une diminution de la consommation de produits pétroliers, de la part des consommateurs, mais aussi des activités industrielles et des transports. Cette consommation en berne, additionnée à une production effrénée, provoque une accumulation des  stocks, une offre largement supérieure à la demande, et donc une érosion des prix. On parle de contre-choc pétrolier.

Les conséquences de la crise pétrolière

La crise pétrolière a eu de nombreuses conséquences dans le monde, à l’échelle des consommateurs mais aussi des pays.

Des conséquences positives mitigées

La baisse du prix de l’or noir ne bénéficie que modérément aux pays qui n’exportent pas de pétrole ; plusieurs d’entre eux ont en effet connu une dévaluation de leur monnaie, atténuant la baisse des tarifs. L’euro a par exemple perdu 10 % par rapport au dollar, entre le début de l’année 2014 et le mois de septembre 2015. En juin 2015, le yen était à son niveau le plus bas face à la monnaie américaine depuis 2003, tandis que la Chine a procédé à 3 dévaluations successives du yuan. Par ailleurs, de nombreux pays ont choisi d’augmenter la fiscalité appliquée aux produits pétroliers (comme la France, la Chine et l’Inde) ; les consommateurs finaux n’ont donc pas pleinement profité de la baisse des cours.

La production industrielle en baisse de 15 % au Japon, la croissance de l’Allemagne qui s’élève « seulement » à 1,7 % par an, le taux de chômage avoisinant les 11 % dans l’ensemble de la zone euro font que la consommation de produits pétroliers dans le monde se maintient ou diminue, mais n’augmente pas.

Seuls les ménages américains, qui ont réduit leur dette depuis la crise financière et affichent un taux de chômage de 5 %, profitent de ces baisses des prix du pétrole et voient leur consommation augmenter à moindre coût. La zone euro et le Japon, avec une économie ralentie, consomment moins de produits pétroliers qu’avant la crise.

Des conséquences négatives sérieuses

Tous les pays producteurs et exportateurs de pétrole ont été touchés par la crise pétrolière, à des degrés différents.
En Arabie saoudite, 90 % des rentrées financières proviennent des ventes de pétrole. Le déficit budgétaire du pays a incité ses dirigeants à faire des coupes dans son budget, notamment en retardant ou en annulant des projets « non prioritaires ».

En Algérie, le pétrole représente 70 % des recettes d’exportation ; 96 % pour le Venezuela. Ces pays sont par conséquent extrêmement fragilisés économiquement ; en 2016 le Venezuela doit par exemple rembourser une dette cumulée de 12 milliards de dollars. La Chine, qui a soutenu économiquement ce pays pendant la dernière décennie, ne peut plus l’aider, accusant elle-même un ralentissement économique important. Les Vénézuéliens, durement touchés par cette crise, subissent une inflation qui pourrait atteindre 150 % au cours de l’année si la situation reste inchangée. Toujours en Amérique du Sud, le Brésil est aussi largement fragilisé par la crise et par un scandale impliquant la plus grande entreprise pétrolière du pays, sur fond de corruption, menaçant l’économie et la classe politique.

Les entreprises pétrolières voient quant à elles leurs cours chuter en bourse. Aux États-Unis, les entreprises exploitant le gaz de schiste doivent assumer des coûts de forage supérieurs aux autres entreprises pétrolières, et sont pour la plupart déficitaires. Depuis 2014, 5 500 postes ont été supprimés dans le secteur pétrolier et gazier de la Mer du Nord, un triste record.

Les solutions pour éradiquer la crise

S’il n’existe pas de solution « miracle » pour remédier efficacement et rapidement aux effets de la crise pétrolière, un retour à la normale est possible, sous plusieurs conditions.

 

solutions face à la crise du pétrole

  • Réduire la production de pétrole dans le monde entier, en mettant en place un accord sur un seuil maximal de production au sein de l’Opep, et s’assurer du respect de ces seuils afin que tous les pays membres réduisent leur production ;
  • Écouler les stocks existants et freiner les extractions avant de relancer la production, afin de faire correspondre l’offre par rapport à la demande ;
  • Relancer la croissance sur les marchés clés que sont l’Europe et la Chine, afin d’observer une hausse de la consommation et donc de la demande ;
  • Juguler la production américaine de pétrole de schiste qui « plombe» le marché. Car même si les États-Unis n’exportent pas leur brut, leur production vient en effet gonfler l’offre et pèse sur les cours, obligeant leurs anciens fournisseurs de brut à trouver d’autres acheteurs.

À l’heure actuelle et depuis plus d’un an et demi, les barils de WTI et de pétrole Brent ont perdu respectivement 65 et 67 % de leur valeur, en raison d’une baisse de la demande à échelle mondiale et d’une offre qui explose, notamment à cause de l’arrivée de pétroles non conventionnels sur le marché.
Pour contrer cette dégringolade des prix, certains pays de l’Opep comme l’Arabie Saoudite, la Russie, le Qatar ou encore le Venezuela ont consenti en mars 2016 à geler leur production pétrolière. La réunion qui se tiendra à Doha le 17 avril prochain entre pays membres et non membres de l’Opep sera l’occasion de concrétiser ces engagements. Si la Libye et l’Iran ont d’ores et déjà annoncé leur refus d’y participer, cette rencontre pourrait tout de même porter ses fruits et freiner la baisse du prix du pétrole. Selon une étude publiée par Reuters, les analystes misent sur un prix moyen du baril de Brent à 57,95 $ pour l’année 2016. Des tarifs loin de ceux observés avant la crise en 2014, mais qui laissent entrevoir une embellie sur le marché pétrolier.